Une attente insoutenable [Neal]

Quel est le plus terrible, il va falloir que je me pose en question encore une fois. Bien avant de retrouver Neal, j'avais erré seule, et je dois avouer que ce n'était pas une partie de plaisir. Pourtant, avant tout ce chamboulement, la solitude était d'or. Oui, j'étais très bien toute seule, c'était même ce qui me convenait le mieux. Je détestais avoir quelqu'un dans les pattes, une personne qui me suis partout, à qui je dois rendre des comptes, etc. Froide et distante, une véritable princesse de glace qui ne montre aucune faille, et aucune émotion. Pourtant, petit à petit, je sens la glace se rompre dans mon cœur... Étais-ce réellement nécessaire, toutes ces histoires pour me faire comprendre que je faisais fausse route ? Si tout cela n'étais pas arrivé, serais-je encore seule dans mon petit bureau, avec pour seule compagnie ma tasse de café ? Au fond, je ne dois pas être aussi forte que je ne le croyais. Néanmoins, il reste hors de question que je montre à qui que ce soit, ou quoi que ce soit, le fait que je me sente déstabilisée. Je reste Jean Stinger, et tout cela ne viendra pas à bout de ma personne.

Et pourtant, je dois l'avouer... Même c'était la dernière personne avec qui je voulais vivre la fin du monde, il me manque cet idiot. Lui au moins, ne m'avait pas laissé tomber comme l'avait fait ma propre famille. J'aurais très bien pu continuer ma route, tenter de me débrouiller seule, mais je ne pus m'y résigner. Après tout, il fallait bien que je lui rende son chien. Il sera sûrement très heureux de le retrouver. Okai, c'est probablement une excuse que je me donne... Mais j'ai ce besoin de savoir s'il va bien, s'il a réussi à s'en sortir de son coté aussi. Pour ce fait, je fais exactement comme nous avions prévu si l'on venait à devoir se séparer. Nous avions repéré une usine assez éloignée dans la zone industrielle, un lieu de rassemblement si nécessaire. Je ne devrais pas y rencontrer de difficultés, la zone écartée nous permettra de ne rencontrer que très peu de ces choses vivantes. Du moins, je l'espère. Pour ce fait, je fais confiance à Blue, qui me prévenait à chaque fois qu'il pouvait sentir une approche dangereuse. Dans cette mesure, je me contentais de la contourner.  

Blue et moi, parvînmes enfin à l'usine. Je le sentais trépigner légèrement, lui aussi devait avoir hâte de retrouver son maître. Et au fond de moi, j'espère réellement qu'il allait bien, et qu'il nous y attendait. Un espoir, qui s'amenuisa au fur et à mesure que nous traversions l'usine. Il ne servait à rien de s'y aventurer en profondeur, nous avions convenu de nous y attendre à l'entrée, ne sachant pas ce qui pourrait se trouver par précaution. Mon cœur se serra légèrement quand je remarquai qu'il ne se trouva pas ici. Tant pis, nous allons l'attendre, ce n'est peut-être qu'un léger contre temps... Oui, je suis sûre qu'il allait bien, et qu'il allait arriver dans la journée même. Ou du moins, je l'espérais. J'enrage, cet idiot est parvenu à me rendre sa présence nécessaire, au point que je me cache à moi-même la peur de ne plus le revoir.  

Les jours passent, Blue et moi continuons les allés retours vers l'usine et ses alentours. Je tentais de ne pas perdre espoir, il m'arrivait même de tenter de l'appeler, aussi idiot soit-il de ramener ainsi des rôdeurs dans les parages. Je m'en moque, je ne veux plus être seule. Pas sans lui. Mais l'espoir, se perd si facilement. Mon corps se reposa contre le mur glacé du hall de l'usine, me laissant doucement retomber pour m'asseoir. Étais-ce réellement nécessaire que je sois si insistante ? Il a très bien pu continuer sa route, sans le fardeau que je puisse être. En fait, c'est ce que je préfère me dire... Car la simple pensée de le savoir comme étant devenu l'une de ces choses, aussi étrange soit-il, m'est impensable.

Doucement, je me recroquevilla pour m'apporter la chaleur nécessaire, Blue collé à moi, tentant de trouver le sommeil pour cette nouvelle nuit. 

Comment suis-je parvenue à trouver le sommeil aussi aisément. L'épuisement sans doute, car le contexte actuel ne permet pas de se reposer si facilement. Il faut avouer que j'avais la fâcheuse tendance de me reposer sur Neal, me disant que s'il y avait un danger au alentour, il m'en avertirait rapidement. Blue me permettait aussi ce confort, toujours aux aguets, même les paupières closes. Ses oreilles tournaient dans chaque sens, veillant à la sûreté de notre sommeil. Au moins nous serions rapidement avertis si l'un de ces morts-vivants ou pire, un vivant, peut être en approche. Oui, je ne sais pas quel genre de rencontre peut-être la pire. Certains vivants peuvent être plus dangereux, le monde est devenu une jungle à présent. Toujours est-il, que j’espérais de nouveau que Neal n'avait pas fait une mauvaise rencontre, préférant me dire qu'il avait trouvé un lieu sûr, et continuer sa route. Blue et moi n'allons pas pouvoir rester longtemps ici, il allait bien falloir qu'un jour nous aussi, nous continuons notre chemin. Rester trop longtemps au même point, c'était se mettre en danger. Il fallait souvent être en mouvement, pas le choix de toute manière si l'on voulait continuer à trouver des vivres. Mais ce choix fut réellement dur... Chaque jour, j'espérais le voir arriver, d'ailleurs... Peut-être que demain... Ou après-demain ? Ma tête se secoua légèrement, le délai était largement passé. Mon cœur se serra, et je retins mon désarroi. Il fallait que je sois forte, à mon tour. Je devais me rendre à l'évidence, et arrêter de repousser l'échéance.

La fraîcheur de la nuit et de la saison s'empara de mon corps. Je le sentis vibrer par la morsure du froid qui commençait à devenir importante. Ma main tenta de retrouver la boule de poils qui m'apportait la chaleur nécessaire, mais il n'était plus à mes côtés. Mes yeux s'entreprirent de s'ouvrir, percevant cette forme face à moi qui me figea de suite. Quelques secondes seulement, lorsque je me fis à l'obscurité et que je reconnus cette silhouette, mais surtout, le son de cette voix. Neal ! Mon engouement l'emporta vivement sur mes faits et gestes, m'emportant contre lui. Mes bras vinrent rapidement se jeter à son cou, le pressant assez fortement contre moi. Je ne réfléchis même pas à comment pouvait être perçu mon geste, c'était un réel soulagement pour moi. Il était en vie, et venu à notre rencontre comme convenu. Je devrais avoir honte d'avoir douté de sa parole, bien que... Après quelques secondes, je m'empressai de reprendre une certaine distance et lâchai mon étreinte, l'air grave. Qu'est ce que tu fichais ?! Ça fait des jours que je t'attends. J'ai bien cru que... Tais toi ma grande, il va finir par te prendre pour une idiote, et se moquer de toi s'il remarque à quel point sa présence peut mettre indispensable. Non, il ne fallait pas que je me montre sous ce jour. En tous les cas, il n'allait pas s'en tirer à si bon compte en revenant comme une fleur. Je déteste que l'on me fasse attendre, et comptait bien savoir ce qui pouvait l'avoir ainsi retenu.

L'obscurité m’empêchait de voir au mieux son état, mais je tentai de discerné s'il n'avait pas de blessure apparente. Après tout, nous nous sommes séparés sur des conditions périlleuses, il était parvenu à attirer la horde vers lui pour que Blue et moi puissions fuir. Des remords me prendraient rapidement s'il avait été blessé sans que je ne puisse l'aider. Tu n'as rien au moins ?   

Oui je suis heureuse de te revoir, oui je suis bien contente de voir que tu n'as rien et encore plus que tu ne sois pas devenue l'un de ces déambulants. Mais ça, je ne te le dirais pas de vive voix, ça te ferais surement bien trop plaisir. Évitons les ambiguïtés, moi-même je me demande pourquoi je m'en préoccupe autant. Qui sait, peut-être que je parviendrais très bien à me débrouiller seule... Bien avant que tout cela ne commence, j'étais autonome et indépendante, je peux facilement être toujours de ce bord... Arrête ma grande, sois honnête envers toi même... Jusque là tu as toujours eu tout avec facilité, que ce soit par tes parents ou par ton argent. Maintenant qu'il faille se donner corps et âme, qu'il faille se battre pour sa survie, les choses sont bien différentes. Sans Neal, je ne serais surement plus de ce monde. D'ailleurs, je devais avoir une tête horrible et à faire peur. Depuis notre séparation je n'ai pas réellement pris le temps de me poser, vaguant chaque jour avec Blue dans l'espoir de le retrouver. Une véritable salle de bain me manque, quoi que... Je briserais surement un miroir à m'y voir dedans. Voilà que maintenant je me soucis de mon apparence, mais d'un coté je ne voulais pas qu'il puisse me voir avec ce genre de tête. Je suis assez contente que l'obscurité nous entour quelque peu, il ne peut ainsi pas voir mes cernes et mes cheveux bien mal coiffé.

Une grimace se dessina sur mon visage à ses dires sur ce "pauvre Blue" qui pourrait se retrouver seul avec moi. Mais très rapidement, c'est un sourire amusé qui pris place. Maintenant que j'étais soulagée, je pouvais de nouveau décompresser et retrouver ma nature. Ravie de voir que je me suis trompée sur ton compte, tu es finalement plus intelligent que ces ineptes sans cervelles. Une horde en plus... Chapeau. Je mimas d'être impressionnée par son exploit. Bien que je n'en pensais pas un mot, évidement qu'il était moins stupide qu'un cadavre ambulant. Mais j'avais de nouveau cette envie de le taquiner, comme je sais si bien le faire. Et oui, tu n'es pas le seul à savoir te débrouiller de ta propre personne. J'ai aussi mes ressources et mes astuces. D'ailleurs j'aurais très bien pu continuer à m'en sortir sans encombres et continuer ma route. Mais que veux-tu, je savais que tu me chercherais et que tu te sentirais perdu sans moi. Quand à ton chien, il serait bien malheureux sans son maitre. Encore une fois, je garda un petit ton sarcastique. Bien évidement que je plaisantais, en quelques sortes. Inconsciemment, je crois que mes paroles peuvent se retourner contre moi-même. Après tout, qui était en train de l'attendre comme une cruche depuis plusieurs jours ? Honnêtement, je n'aurais pas pu partir plus loin sans lui. Et de toutes évidences, seule je ne serais pas allée bien loin.

Mes yeux pétillèrent dans l'obscurité à la vue du paquet de granola. Depuis quand je n'avais pas avalé quelque chose ? Sur le chemin, nous avions trouvé avec Blue une petite supérette, mais évidemment dévalisée. Lui était bien heureux de voir que les boites pour chien avaient été laissé pour compte. Qui en voudrait en même temps... Si lui avait le ventre pleins, moi, je n'ai dû me contenter que de quelques graines dites saines pour le corps... le genre de chose que je mangeais avec tout ça. Mais maintenant très franchement, manger sains n'était pas ma préoccupation première. Je le laissai s"installer près de moi, et piocha de temps à autre dans le paquet de biscuits par faim, et le paquet de bonbons par gourmandise. Il ne fallait pas non plus tout prendre ce soir, la nourriture devient difficile à trouver donc si l'on peut faire durer un peu le plaisir...Tu arrives toujours à nous dégoter des choses intéressantes. Ça me fait penser, sais-tu ce qu'étais autrefois l'usine dans laquelle nous sommes ? Un blanc de quelques secondes s'installa, le temps que je finisse l'une de mes bouchées. Une chocolaterie. Mais je n'ai pas vraiment fait le tour, avec Blue nous restions plus à l'extérieur pour getter ton arrivée. Peut-être qu'on s'y enfonçant un peu nous pourrions y trouver un stock en réserve ? Qu'est ce que tu en penses pour demain ? De toutes manières, personne ne nous attendait. Nous n'avions pas de train à prendre, ni de rendez vous particulier... Ce n'est plus d'actualité. Nous ne perdons rien à y jeter un petit coup d’œil, mais tout à y gagner si nous tombions sur un trésor chocolaté. De toute évidence, il faisait trop sombre maintenant pour s'y avancer, bien que jour ou nuit, cette usine ne sera pas des plus éclairée pour autant.